Grognements du chien : les identifier pour mieux les gérer

Le chien qui grogne fait peur. Il est généralement décrit comme dangereux et est utilisé à outrance dans les films et séries télévisées. Pourtant, un chien qui grogne est un chien qui communique. Il existe d’ailleurs plusieurs types de grognements, dans différents contextes et pour différentes raisons. Dans cet article, nous allons voir comment les identifier et discerner les grognements « normaux » de ceux qui doivent nous questionner. Nous verrons également qu’il existe des solutions si votre chien exprime des grognements estimés « anormaux ».

Pour introduire le sujet, je souhaite tout de suite rappeler que les grognements ne sont qu’une partie de la communication canine, au même titre que nos mots et nos intonations. Ceux-ci varient d’un individu à l’autre.

Le grognement fait peur, car il est associé à l’agressivité et au chien qui peut mordre par la suite. Et cette morsure peut effectivement survenir, en cas de méconnaissance de la lecture de la communication canine.

Mais dans les grognements de nos animaux, il y a autant de nuances que dans les couleurs de l’arc-en-ciel.

Par ailleurs, comme pour les aboiements, les grognements peuvent différer suivant les races : certaines sont plus sujettes aux vocalises. Cela implique donc aussi les grognements : Spitz, Berger Allemand, Berger Australien, Berger des Pyrénées…

Notre chien peut grogner pour diverses raisons :

• Douleur : spontanée sans contact ou bien justement pour éloigner les individus pouvant être cause de douleur (pour éviter d’être touché ou porté par exemple) ;
• Souhait de mettre à distance : protection de ressources (individus, objets, lieux, etc.) ou de soi-même ;
• Jeux / excitation : extériorisation des émotions ;
• Contentement : au repos ou lors de gratouilles / caresses ;
• Demande d’attention : communication à l’humain pour jouer, sortir, manger, etc. ;
• Rêve / cauchemars : non conscients.

Une réponse que vous lirez beaucoup ici : ça dépend ! Difficile de dire d’emblée si la situation nécessite de s’inquiéter ou non.

Le grognement peut être multifactoriel. Il faut analyser tout le contexte et connaître l’individu un minimum pour comprendre d’où vient le problème. Je vais quand même vous amener des pistes de réflexion afin de pouvoir vous poser les bonnes questions, et ainsi statuer sur la dangerosité de la situation ou non. Gardez néanmoins à l’esprit que tout est à nuancer et que rien n’est figé.

La première chose à faire est de décrire la situation :

Ensuite, il faut observer les signaux corporels du chien :

Troisième point :  il faut également prendre en compte les habitudes de l’animal en matière de communication / stratégies d’interaction avec ses congénères, ainsi qu’avec les humains. En effet, chaque chien aura des stratégies de communication préférentielles suivant :

• la situation et l’individu en face
• mais aussi suivant son humeur
• son confort (est-il plus douloureux ce jour-là ou depuis quelques jours ?)
• etc.

Bien sûr, il peut être très délicat de faire tout ce travail sur le moment, encore plus lorsque nous ne sommes pas encore sensibilisés, ni habitués. Vous pourrez par la suite prendre l’habitude de filmer régulièrement des interactions / scènes de vie afin de pouvoir analyser tout cela a posteriori et exercer votre œil en revenant en arrière, en faisant des ralentis, etc.

Il peut arriver que votre chien grogne lorsque vous tentez de vous approcher d’un jouet ou de son repas. Cela signifie qu’il ne souhaite pas que vous le lui preniez, tout simplement.

Il y a une vieille idée reçue qui consiste à exiger d’un chien qu’il se laisse ôter tous « ses biens » sans discuter. Cela n’a aucun sens. Un chien n’est pas un robot. Il a le droit de ne pas être d’accord avec le fait de se faire « voler » une ressource, quelle qu’elle soit : jouet, nourriture ou encore lieu, odeurs, trou, bâton, individu, etc.

L’être humain aura tendance à penser que l’animal veut signifier un « NON, DÉGAGE ! » virulent. Le chien veut plutôt signifier :

• « Laisse-moi cette ressource s’il-te-plaît »
• ou « Je suis désolé mais je n’ai pas envie de partager »

L’essentiel étant toujours d’analyser ces comportements en fonction du contexte et des habitudes de chaque individu car tout n’est pas aussi simple à vivre, on y reviendra.

Tout comme nous, lorsqu’ils dorment, nos chiens peuvent vocaliser de façon inconsciente parce qu’ils rêvent ou font un cauchemar.

Comme nos petits gémissements, les grognements peuvent être assimilés à du contentement dans certaines situations. N’oubliez pas d’observer l’attitude globale de votre chien au moment où il grogne :

• Est-il détendu ?
• Lorsque vous arrêtez votre action / câlin, recherche-t-il effectivement à ce que vous continuiez ou non ?
• Etc.

À l’image du grognement lors du câlin, celui pendant le jeux peut être du contentement et/ou de l’excitation. Encore une fois, faisons la comparaison avec nous-même : lorsque nous jouons, il nous arrive de nous emporter par l’excitation ou le plaisir et de pousser des cris ou des hurlements.

Certains chiens ont très bien compris que vocaliser (grogner en fait partie) pouvait provoquer des réactions de votre part : de l’attention (que ce soit du rire ou de l’exaspération) ou des comportements qui lui sont profitables (grogner pour sortir ou pour avoir à manger par exemple).

Le terme « problématique » est lui-même problématique…

Bien souvent un comportement problématique ne l’est que pour les gardiens. Pour le chien, il ne s’agit que d’une adaptation à une situation donnée ou à des expériences passées. Adaptation qui lui semble être la plus bénéfique à cet instant.

Évidemment, je ne vous dis pas qu’il faut accepter sans retenue tous les comportements de nos chiens, quitte à nous mettre en danger ou en stress. Nos chiens évoluant dans notre société à nos côtés, parfois aux côtés d’enfants ou d’autres espèces, il est indispensable qu’ils puissent être tolérants vis-à-vis de certaines situations et qu’ils sachent accepter une certaine forme de contrainte (n’ayons pas peur des mots).

Néanmoins, il est important de comprendre qu’ils n’agissent jamais sans raison et qu’il est nécessaire de comprendre la fonction du grognement. Nous allons donc voir ici dans quel cas les grognements peuvent être qualifiés de problématiques.

Rectification : sans raison « apparente » ou « pour nous humains ».

En effet, un chien ne grognera jamais pour rien. Souvent il s’agira d’une odeur qu’il aura senti, de quelque chose qu’il aura entendu ou vu et qui l’inquiète. Vous ne le percevez pas, mais lui oui. N’oubliez pas que leurs sens sont bien plus développés que les nôtres.

En soi, cela n’est pas forcément problématique. Un chien aura toujours le droit de ne pas être d’accord avec le fait d’être touché, et ce, pour plusieurs raisons : il est douloureux, se repose, dort, est occupé à faire autre chose ou bien ne souhaite tout simplement pas de contact.

Là où cela devient problématique pour nous, c’est quand notre chien ne peut plus se laisser toucher du tout dans diverses situations importantes :

• Soins
• Frôlements involontaires
• Mise du matériel (harnais, collier)
• Portés quand cela est nécessaire

Plusieurs d’hypothèses sont possibles. Citons par exemple une mauvaise expérience avec ce membre de la famille ou bien une ressemblance avec des individus l’ayant battus (pour les chiens adoptés, des rues, maltraités).

Là aussi, différentes hypothèses peuvent être envisagées.

Si un chien grogne sur les invités ou les gens inconnus en général, il s’agit peut-être d’un chien méfiant de base ou qui a eu de mauvaises expériences avec certaines personnes insistantes, ou encore car les gens ont peur de lui, ce qui amène de la méfiance de sa part.

Par ailleurs, si votre chien grogne exclusivement en intérieur quand vous faites entrer des personnes chez vous, cela peut être renforcé par le fait d’être dans un endroit clos (bien que sécuritaire) où il risque de ne pas pouvoir s’enfuir. Cela peut aussi être la volonté de tenir à distance des personnes inconnues de son endroit sécuritaire.

Si votre chien grogne sur un autre chien, il s’agit tout simplement de communication intra-spécifique.

Beaucoup de gardiens ne sont pas sensibilisés à la lecture des signaux de communication canine. Ils prennent donc peur à la moindre vocalise, ce qui est tout à fait normal quand on ne connaît pas. Mais rappelez-vous : le grognement fait partie intégrante de la communication canine.

Certains chiens auront tendance à l’exprimer plus facilement que d’autres pour diverses raisons : race, expériences, génétique, etc. Et là encore, cela peut devenir problématique si les grognements sont systématiques et/ou si votre chien semble ne pas réussir à gérer son excitation, sa frustration ou son inquiétude par exemple.

Il exprime son désaccord, son mécontentement ou son inquiétude face à la situation et ce que vous lui demandez / interdisez.

La réprimande peut être vécue comme stressante pour votre chien. Et chaque individu y réagira de façon différente : certains obtempéreront, d’autres tenteront de parlementer et d’autres pourront aussi se sentir menacés. Dans chaque cas, le chien peut être amené à grogner.

Cela peut être perçu comme un grognement « peu sérieux », mais très largement dépendant de chaque individu…

À l’image du point précédent, le fait de grogner en montrant les dents peut être perçu comme un grognement un peu plus sérieux, plus agressif. Mais là encore, cela dépendant beaucoup de chaque chien.

Il y a une vidéo qui tourne sur Internet montrant un chien avec un os et qui grogne après une de ses pattes arrières. Sur le coup, la situation prête à rire.

Mais il est possible que ce soit le signe d’un manque de conscience de son corps, d’un trouble neurologique, d’un problème de santé ou d’une douleur importante.

Si vous observez un comportement de ce type chez votre chien, n’hésitez pas à aller consulter un vétérinaire.

Si votre chien grogne quand il est dans son panier ou à côté de sa gamelle : il protège ses « ressources », tout simplement.

Chaque chien verra en différentes ressources des valeurs variées. Et s’il estime que telle ou telle ressource à une grande valeur, il aura davantage de raisons de la protéger avec vigue

Là où cela peut devenir problématique, c’est si votre chien prend tout pour ressource et estime devoir les protéger à très grande distance et de façon très intense par exemple.

Cela peut être lié à des douleurs provoquées par certains mouvements, par des caresses, des bousculades ou par anticipation de ce qui pourrait lui faire mal.

Peu importe la situation dans laquelle votre chien grogne, je ne peux que vous recommander de ne surtout pas gronder votre chien.

Il ne le fait pas pour « assoir une quelconque dominance envers vous », jamais. Il a pu associer les soins ou la mise du matériel à quelque chose de douloureux ou effrayant. Il peut être douloureux actuellement.

Le travail sera de l’amener à comprendre qu’il peut communiquer de façon plus mesurée. Et cela ne peut se faire qu’en comprenant les motivations de votre chien à agir ainsi grâce au bilan comportemental et à l’accompagnement individualisé d’un·e professionnel·le du comportement canin.

Museler votre chien parce qu’il grogne n’aura d’abord que peu de résultats, puisque le chien n’a pas/peu besoin d’ouvrir la gueule pour grogner.

Et si vous souhaitez faire cela pour l’empêcher potentiellement de mordre, dites-vous bien qu’en muselant votre chien, vous ne ferez qu’augmenter son inquiétude, puisqu’il ne pourra pas « se défendre ».

Quand les gens ont peur, ils ont tendance à fixer le chien dans les yeux, se tendre et être un peu en retrait. Cela amène très souvent une grande méfiance de la part du chien qui peut grogner en retour.

Le fait de fixer peut être vécu comme une intention d’interagir de manière frontale, une volonté de faire bouger, etc. Entre chiens, les fixations sont très souvent utilisées pour mettre la pression, faire bouger ou signifier à l’autre chien que ce qu’il fait ne lui convient pas et qu’il pourra passer à un mode de communication plus haut si ce chien n’arrête pas / ne s’en va pas : grognement d’avertissement, charge, agression, prise, en gueule, etc.

Pour beaucoup de chiens, le fait de courir déclenchera un réflexe de poursuite. Ce qui pourra donc vous porter préjudice en amenant l’animal à vous courir après…

On ne le répètera jamais assez : l’analyse du contexte est primordiale.

Ce qui pourra être problématique pour un autre chien dans un foyer, dans telle ou telle situation, ne le sera pas forcément pour votre chien. Observez la tension musculaire, l’attitude globale, mais aussi ce qui a pu se passer juste avant et ce qui se passe après le grognement.

Je vous renvoie à la partie « Quand faut-il s’inquiéter du grognement de son chien ? » au début de cet article pour l’analyse des facteurs et du problème.

Si la problématique principale concerne la protection de ressource, les barrières-bébé sont vos amies ! Plus généralement, voici quelques autres idées :

• brises-vues
• distributions de repas séparés (à distance, avec ou sans visuel, voire gamelle dans des pièces complètement opposées)
• protocoles pour l’arrivée des invités ou la rencontre d’inconnus
• multiplication des ressources à disposition
• consultation vétérinaire / thérapies manuelles pour le côté santé / douleurs

Après un quelconque stress, il est toujours utile de laisser à votre chien la possibilité de « redescendre en émotion » (s’il y en a eu !). Lors d’un stress, il y a libération de cortisol (hormone de stress) et celle-ci peut mettre 48 heures ou davantage pour être éliminée de l’organisme.

J’entends par là : l’habituer à être à l’aise dans diverses situations et/ou à tolérer certaines contraintes, afin qu’il soit apte à gérer des situations imprévues, peu confortables pour lui, quand cela est possible.

Attention : cette phase d’éducation ne se fait pas à l’aveuglette en mode « immersion » dès que le chiot a 2 mois ou lors de l’arrivée du chien, jeune ou adulte, dans votre foyer. Parfois, une mauvaise habituation peut vous pourrir la vie… :

• Prenez votre temps.
• Observez votre chien.
• Voyez s’il y a une évolution positive.
• Adaptez votre méthode si besoin.

Et par éducation, je pense aussi à la sensibilisation des autres humains et des enfants à cette communication toute naturelle du chiot comme du chien adulte.

Si les difficultés sont toujours présentes malgré les quelques conseils donnés ici, je vous recommande d’envisager un accompagnement comportemental individualisé auprès d’un·e professionnel·le en comportement canin sans plus attendre.

Cela vous aidera à ne pas vous éparpiller parmi les innombrables conseils et témoignages glanés sur Internet. Vous pourrez alors avoir un certain « plan d’action » auquel vous raccrocher, ainsi qu’un regard extérieur objectif, afin d’analyser la situation et les progrès (car il y en aura !).

L’accompagnement n’est pas magique et cela peut nécessiter du temps pour régler les problèmes. Mais nous pourrons assurément améliorer ensemble, la situation que vous vivez, et donc vous permettre de (re)trouver une harmonie dans votre quotidien avec votre chien.